20/02/2012 - Haven and Hearth

đź’ľ 2012, Haven and Hearth

Cet article retrace l’aventure de #rbd dans le jeu Haven and Hearth. De ce bilan Ă©merge une vue globale de ce qui est sans doute le jeu de survie PvP hardcore ultime.

Titre original: Haven and Hearth, merci et au revoir


Une barrière d’accès infranchissable

Tout avait commencé par un week-end d’été comme les autres: en mode gamer, scotché devant le PC, fouillant le net à la recherche de bons jeux vidéo. En 2004, j’avais trouvé Aardwolf. En 2005, Dwarf Fortress. En 2006, c’était Hattrick. Puis Hellgate London, Metaplace, Elements… Cette année, je n’avais pas d’idée. Mais Antar venait tout juste de tester Haven and Hearth, un jeu de type sandbox. Verdict? Il avait détesté. Je cite:

Haven & Hearth est un jeu qui mélange RPG et construction (terrain/crafts). Il est fait en java (et requiert java) et se joue uniquement en ligne. Assez simpliste, vous voyez votre personnage en isométrique.

Mon avis sur ce jeu : NE JOUEZ PAS A CE JEU.

À la fin de son test, Antar, catégoriquement dégoûté par le gameplay, avait laissé mourir de faim son premier perso. Je lui proposai alors de retester le jeu, cette fois-ci à deux. Après tout, il s’agissait d’un MMO. Avec un sentiment de regret, j’installai la JVM sur ma machine. Je me consolai en me disant que le test n’allait pas durer longtemps.

Arrivée brutale dans le monde de Haven and Hearth. Il n’y avait pas d’aide dans le jeu. Certes, il y avait un forum, mais il contenait 10% de posts utiles pour 90% de flame wars. Le vocabulaire de HnH était différent des autres MMOs. La “friend list” s’appellait “Kin”. Le spawn point s’appellait “Hearth Fire”. Les actions possibles étaient nombreuses mais pas intuitives. Je mis 20 minutes avant de comprendre que je pouvais porter ma barque pour continuer le chemin à pied. “J’arrive bientôt!” dis-je à Antar en message privé. Je voyais la flèche qui indiquait la position de son joueur, pointant vers le sud-est. “On va se rejoindre!”

C’est ça.

Ce jour-là, je vis le soleil se coucher à la fenêtre de ma chambre… sans que j’aie rejoint mon coéquipier. Mon personnage se traînait, le monde était totalement vide… En plus, la flèche ne semblait pas indiquer la direction réelle. J’en avais assez. Je fis un feu de camp et je courus massacrer des lapins. “Ensuite, j’arrêterai de jouer à ce jeu stupide”, me dis-je.

Ce n’est que plus tard, en lisant les témoignages d’autres “newbies” que je compris que la barrière d’accès à Haven and Hearth était très haute. Plus haute que Dwarf Fortress. Dans DF, les joueurs sont motivés par les graphismes primitifs, par les riches histoires de parties à la Boatmurdered, par le contrôle qui leur est offert. Dans Haven and Hearth, le nouveau joueur ne contrôle rien. Il subit. De l’épine dans le pied jusqu’au PK qui rôde, en passant par les sangsues, les ours et les noyades. Dans DF, quelques nains peuvent périr dans une coulée de lave, cela importe peu puisque de nouveaux arriveront avec la prochaine migration. Dans Haven and Hearth, c’est permadeath, on revient au menu principal et notre personnage n’est plus disponible. Haven and Hearth est terrifiant. C’est ce qui nous a motivé à continuer.

Tous les instincts et toutes les peurs

Je suis allé tout au nord, dans une nouvelle riviere, et j’ai vu un lieu de massacre: un village en ruines, au moins 5-6 squelettes autour… Je continue en amont, et dans des marecages je vois un mec avec arc, coiffe de trappeur qui est dans un bateau. Comme je ne veux pas être coincé et que je ne suis pas sûr qu’il soit AFK ou autre, je décide de ne plus remonter et de redescendre (donc de repasser devant lui), c’est là qu’il me voit.

Il commence à spammer sur le chat et à me demander de l’ajouter (ds tes reves oui), et son pseudo est bien sûr “I KILL U”. Heureusement qu’il perdait son temps à discuter, il n’a pas pu me suivre (surtout que je j’ai ensuite traversé la bande de terre pour rejoindre notre riviere).

(HED - “Récits des pioneers”)

Avec Antar, nous trouvâmes un endroit pour construire un camp. Il se situait entre deux bras de rivière et au sud, se terminait par un mur infanchissable (bordure de map). Nous passâmes la soirée à construire une cabane, à couper du bois, à ramasser des racines.

Le lendemain matin, quelqu’un avait déjà détruit notre clôture. Nous étions révoltés. Par mail, nous nous échangeâmes des consignes de sécurité: se déconnecter en gardant les objets précieux sur nous, utiliser le Hearth Fire pour bloquer la porte de la cabane…

Plus les jours passaient, plus nous progressions. Nous partagions les rations et le travail (pêche, construction, grillades…). Mais plus nous progressions, plus nous avions peur. Dès qu’un mouvement était détecté près du camp, Antar me le signalait en lettres majuscules. Je sautais dans le bateau, dézoomais à fond, de peur d’être suivi, et fonçais vers le camp.

Parfois, on se querellait sur la nourriture. Antar construisait trop, donc il mangeait plus que moi. Et moi je passais tout mon temps à aller chercher de la nourriture, c’était intolérable.

Le soir, on se déconnectait avec angoisse. Retrouverait-on le camp le lendemain? Avions-nous pris toutes les précautions nécessaires?

Evidemment, un matin, Antar se fit tuer par un PK au beau milieu de la rivière. Problème: en se faisant tuer, il avait également perdu les clés du camp dans la rivière. Autrement dit, nos personnages étaient coincés à l’intérieur du camp, sans pouvoir sortir. Dans Aardwolf, quand j’étais dans une situation desespérée, j’appelais à l’aide sur le canal et un gars de la guilde des Watchmen venait m’aider. Dans Haven and Hearth, pas question de donner ne serait-ce qu’une indication de notre position. Les griefers et PK s’en donneraient à coeur joie. Même les PKK n’étaient pas de confiance dans ce jeu. Même les fermiers. Et les newbies en tenue de lin? C’était peut-être des tueurs déguisés. Nous décidâmes de recommencer de nouveaux personnages et de les leveler suffisament afin de détruire la porte de l’ancien camp.

Haven and Hearth me faisait comprendre tous les instincts et les peurs humaines. Propriété. Agression. Egalité. Paranoïa. Détermination. Ce jeu était si spécial que j’en faisais des cauchemars la nuit. Je rêvais que des PK embusqués de part et d’autre de la rivière me criblaient de flèches. Je rêvais de logger mon perso et de voir un PK à mon chevet.

De l’autre côté du bâton

Sinon je me suis couché très tard (2h00 du mat) et j’ai exploré la caverne de fond en comble. Voici les news en vrac :

le gisement de tin se trouve à moins de 50 cases de l’entrée de notre caverne. Donc on ne peut pas miner directement (en utilisant le chemin le plus court). Si j’attaque les murs un peu plus loin avec 77 de force et la hache q38, j’ai le message de la mort “you can’t even manage to scratch that rock”. Je pense que je vais chercher un autre gisement de tin, on ne pourra pas exploiter celui-ci avant l’an 3000.

(HED - email de rapport)

Les mois passèrent. Nous avions sauvé notre camp au terme d’un voyage planifié pendant des jours entiers (avec montages photoshop des maps du jeu et coordination à l’heure près). Nous avions ensuite déménagé dans un coin plus tranquille, laissant derrière nous nos débuts, avec l’ambition de construire un camp trois fois plus grand.

D’autres joueurs de #rbd vinrent nous rejoindre. Cette fois-ci, Haven and Hearth avait dépassé le simple test. C’était devenu un passage obligé. Mon quotidien? Ramasser les oeufs, couper le blé, faire de la farine et à la fin de la journée, récupérer les images dans les répertoires du jeu pour en faire une map de toute la contrée. J’avais développé un script complet pour automatiser la tâche, et j’avais crée un wiki pour consigner toutes les informations.

Nous avions atteint notre rythme de croisière. 2 heures de jeu par jour.

Mais Haven and Hearth est ce qu’il est. Il s’agit d’un jeu en beta, maintenu par deux personnes seulement. En octobre 2011, le serveur crasha et un wipe fut nécessaire. Pour notre groupe, désormais très organisé, c’était l’occasion de construire quelque-chose d’encore plus grand et d’évoluer très vite pour dominer la région.

En novembre, nous étions enfin de l’autre côté du bâton. C’est à dire que nous faisions tout pour empêcher les autres joueurs pour s’approcher de nous. Vol, intimidation, appropriation des terrains, griefing…

Comme nous étions plus nombreux et souvent connectés, il était facile pour nous d’effectuer des opérations de destruction quelques heures seulement après qu’un nouveau se soit installé. Nos personnages portaient des objets en acier, le meilleur métal du jeu. Nous mangions du “Midnight Blue Cheese”, le meilleur fromage du jeu, celui qui donnait le plus de force. Mais…

Mais nous n’avions plus de conccurent. La région était devenue désertique. Seules des ruines de camp subsistaient, avec les pierres gravées de nos moqueries et intimidations. Finis les cauchemars, les créations de script et les coordinations de groupe via SMS. Il ne restait plus que le côté “usine” du jeu: traire les vaches tous les jours, miner dans de la roche toujours plus dure, manger toujours plus de fromage, se connecter en catastrophe pour maintenir les fourneaux allumés.

De plus, les mods et les bots avaient fait un nouveau pas en avant dans Haven and Hearth, au point que les développeurs avaient modifiés plusieurs points de gameplay, rendant le jeu déséquilibré. Désormais, on ne pouvait plus se téléporter pour fuir, il fallait attendre un décompte de cinq secondes. Quelle blague!

Pour toutes ces raisons, c’est sans regret que j’abandonne Haven and Hearth. Mais ce fameux test, commencé un après-midi d’août 2011, en valait la chandelle. Je recommande Haven and Hearth à tout ceux qui veulent une expérience de jeu totalement différente des daubes qu’on nous vend à 60€ aujourd’hui.

Haven and Hearth, au final, c’est:

  • Une vĂ©ritable deuxième vie lorsque l’on dĂ©bute dans le jeu. L’aspect survie/paranoĂŻa est très poussĂ©.
  • Un concept de MMO novateur sans monstres, sans quĂŞtes, sans niveaux, sans background. Ce qui n’empĂŞche en rien l’immersion, les combats, et les histoires de se crĂ©er.
  • Une communautĂ© de singes hystĂ©riques qui s’ennuient et qui ne pensent plus qu’à dĂ©truire le jeu
  • Un ennui total garanti par la rĂ©pĂ©titivitĂ© des tâches dès que l’on dĂ©passe l’âge du mĂ©tal